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Les Magritte du Cinéma
13e édition - 9 mars 2024

13 février 2024 - 09:39:20

Meilleur scénario 2024: les nominations

Les scénarios en lice cette année sont extrêmement différents quant à leur tonalité et aux genres auxquels ils se raccrochent, tout en abordant chacun à leur manière la question des assignations, la façon dont la société ou nos proches nous conditionnent et nous formatent, nous réduisent et nous empêchent aussi parfois.
Avec Augure, Baloji suit la quête troublante de quatre âmes perdues, vouées aux forces du mal par leur communauté, qui vont tenter de se défaire de l’identité qui leur est imposée, dans une atmosphère fantasmagorique aux confins du réalisme magique. Koffi, de retour dans sa ville natale, est renvoyé à sa condition de Zabolo, l’enfant sorcier. Une assignation qu’il partage, à l’autre bout de la ville, avec Paco, jeune shégué hanté par la mort de sa petite soeur. Tshala et Mujila, la soeur et la mère de Koffi sont les « sorcières ». La première bouscule la morale familiale en fréquentant un homme plus jeune, et en refusant de s’accomplir dans la maternité. La seconde fait encore et toujours les frais d’un mariage arrangé par la lignée patriarcale qui préside aux destinées. On les accuse d’être possédés, alors qu’ils sont hantés, par les fantômes de leur passé, comme par ceux des versions d’eux-mêmes fantasmées par les autres qu’ils ne deviendront jamais, la « bonne mère », l’« épouse parfaite », le « fils prodigue », l’« homme bien ».



Dans Dalva, Emmanuelle Nicot dresse le portrait vivant et émouvant d’une enfant rescapée de l’inceste. Elle raconte l’après, comment Dalva va se reconstruire, et devenir l’héroïne de sa propre histoire. « Je suis pas une fille, je suis une femme », clame-t-elle. Pourtant Dalva n’est pas vraiment une femme, c’est plutôt une poupée, grimée, maquillée, costumée par son père. Mais une fois libérée de l’antre de l’ogre, Dalva va vers la lumière. Il lui faudra être confrontée aux regards des autres, et surtout à son propre regard, pour que disparaisse le conditionnement dont elle a fait l’objet. Enfant grandie dramatiquement trop vite, elle va se saisir de la deuxième chance qui lui est donnée pour prendre le temps de devenir une femme. Une renaissance filmée au plus près de son héroïne, qui épouse ses questionnements, ses atermoiements, mais aussi ses joies et ses épiphanies.



Le Paradis de Zeno Graton et Clara Bourreau convoque une histoire d’émancipation et de désir. Mais cette liberté tente de se déployer dans un lieu et un contexte empêchés, un centre de rétention pour jeunes. Joe et William sont terrassés par la passion que leur rencontre fait naître. Si jamais eux ne la questionnent, s’ils l’accueillent comme une évidence, elle entre pourtant en conflit avec leur destinée, et leur possible sortie. Aspirer à la liberté, c’est aussi renoncer à cette histoire en train de s’écrire, à cette pulsion de vie plus grande qu’eux. Finalement ce n’est pas tant le monde extérieur qui s’y oppose, que le temps lui-même, l’impossible patience requise pour y laisser libre cours. Un poème d’amour où les sentiments sont exacerbés, servi par un lyrisme envoûtant.



Dans Le Syndrome des amours passées, enfin, d’Ann Sirot et Raphaël Balboni, Rémi et Sandra ne parviennent pas à transformer l’essai attendu de tout jeune couple hétérosexuel qui se respecte: devenir parent et pratiquer activement la monogamie. Pour débloquer cette situation on leur conseille un remède inattendu: recoucher avec tous leurs ex. C’est là que commencent à valser les étiquettes. Rémi et Sandra, en revenant sur l’historique de leurs histoires de sexe et d’amour vont de surprise en surprise, déjouant les pronostics. Peu à peu aussi, ils se mettent à questionner la façon dont on définit aujourd’hui la notion de famille, pour l’enrichir des multiples couches de leurs expériences. En passant, Ann Sirot et Raphael Balboni s’amusent des clichés de la comédie romantique pour réinterpréter au prisme de leur fantaisie. Et briguent pour la deuxième fois le Magritte du Meilleur scénario, après l’avoir remporté en 2022 pour "Une vie démente".