Il s’agit de la quatrième nomination dans cette catégorie pour
Nabil Ben Yadir, déjà en lice précédemment pour
Les Barons, La Marche et
Dode Hoek. Avec
Animals, inspiré de l’affaire Ihsane Jarfi, il livre un film puissant, radical et sans concession. Un véritable uppercut, émotionnel, moral et esthétique, dans lequel il refuse de contourner la violence pour s’y confronter, lui comme nous. Le film soulève de nombreuses questions, notamment celle-ci: comment écrire la violence cinématographiquement? Difficile de trop en dire sans risquer d’amoindrir la puissance du choix de mise en scène posé par le réalisateur, mais celui-ci, radical, crée la répulsion autant que la réflexion, confrontant le spectateur à une violence sans filtre particulièrement dérangeante, à travers trois mouvements narratifs qui trouvent, chacun, une vérité dans leur forme cinématographique.
Troisième nomination déjà pour
Bouli Lanners, couronné lors des deux premières fois, en 2012, déjà, pour
Les Géants et en 2017 pour
Les Premiers les derniers. Dans
Nobody Has to Know, on retrouve l’art de la composition picturale et la mélancolie que l’on rencontrait déjà tout autrement dans les films précédents du cinéaste, mais on lui découvre aussi une infinie délicatesse, et un romantisme joliment revendiqué. C’est aussi une histoire d’amour « passée l’âge », une histoire entre deux amants à l’aube de la soixantaine, où la passion s’écrit autrement, où les corps s’épanouissent différemment, des corps imparfaits mais d’autant plus émouvants. Et en filigrane, on découvre aussi un surprenant portrait d’émancipation, et une réflexion sur la mémoire et les souvenirs.
Julie Lecoustre et Emmanuel Marre sont les nouveaux venus de la catégorie, sans être des débutants pour autant. Leur première collaboration sur
D’un château l’autre leur avait déjà valu une nomination pour le Meilleur court métrage de fiction en 2019, catégorie dans laquelle Emmanuel Marre avait lui-même été nominé seul pour
Le Film de l’été en 2018. Avec
Rien à foutre, ils livrent une variation surprenante et séduisante sur l’uniformisation des corps et des esprits, d’une vie vécue comme sous le filtre des réseaux sociaux, une vie d’hyper-sollicitation constante, où l’attention vraie à soi comme aux autres est devenue une denrée rare. Ils signent à quatre mains un manifeste mélancolique où surgissent quelques éclairs de joie sur notre ultra moderne solitude, un cinéma spontané nourri d’imprévus, qui s’inscrit dans une éthique et une esthétique passionnément artisanales.
Last but not least,
Luc et Jean-Pierre Dardenne comptabilisent cette année avec
Tori et Lokita leur quatrième nomination dans cette catégorie, qu’ils ont déjà remportée en 2015 pour Deux jours une nuit. Ils reviennent à leurs fondamentaux avec ce nouveau film une fois de plus sélectionné et primé à Cannes, un cinéma épuré, au plus près de leurs deux protagonistes, épousant leurs mouvements, la fuite permanente de Tori, et la résistance de Lokita. Un cinéma du geste, de peu de ressorts narratifs mais tendu à l’extrême, 90 minutes d’une intensité dramatique qui tient à quelques regards, à une chanson, et à un art consommé de la fin, une fin terrassante qui vient revendiquer la portée politique du film, l’engagement des réalisateurs quand il s’agit de questionner notre rapport aux autres.